— Docteur, dites-moi la vérité
— Mon pauvre ami, il est perdu… Seul un miracle pourrait le sauver…
Lentement, Pierre L… ferma la porte. Ainsi, son petit Jean allait mourir… et cela, à la fleur de l’âge ; dans huit jours il aurait treize ans ! Irait-il seulement jusque-là ?
Depuis quelques jours Pierre voyait la progression du mal. Cependant les paroles du docteur aujourd’hui l’ont bouleversé. Il est dur d’admettre l’évidence dans un pareil cas ! Abattu, mais faisant le fort, il revient vers la salle à manger où un lit a été installé pour son enfant. Un moment il s’arrête près de sa couche et regarde son fils comme si c’était la première fois. Jean ne le voit même pas ; sa tête repose sur l’oreiller, ses traits sont tirés, ses joues creusées par la souffrance. La tristesse envahit le cœur du malheureux père… Ah ! s’il pouvait prendre sa maladie et souffrir à sa place ! Et les dernières paroles du docteur résonnent à ses oreilles seul un miracle pourrait le sauver ! Un miracle !… Mais il n’y a pas de miracles ! Ce sont des histoires d’enfants… Quant à lui, il n’y croit plus depuis longtemps. D’ailleurs, s’il y avait un Dieu, son enfant ne serait pas malade ! Qu’ont-ils fait dans sa famille pour être traités de la sorte ? Certes, lui ne pratique pas mais il n’est pas contre la religion ! Chacun fait comme il l’entend ! Sa femme, elle, va à l’église, et jamais il ne s’y est opposé ! Quant à son Jean, voilà plusieurs années qu’il est enfant de chœur à la paroisse Saint-Pierre. Non, non, Dieu n’existe pas, sinon il ne permettrait pas de semblables malheurs. Et le pauvre père affolé se tait… Des larmes coulent sur ses joues… mais craignant que son fils ou sa femme ne s’en aperçoivent il les essuie furtivement puis se dirige vers la cuisine où son épouse prépare le repas. D’un seul regard elle voit que son mari a pleuré… Les mamans voient toujours quand il y a quelque chose qui ne va pas ! En vain Pierre essaie de cacher la triste nouvelle. Finalement, il doit rapporter les paroles du médecin : Seul un miracle pourrait sauver leur enfant !
— C’est tout ce qu’il t’a dit ? questionne la mère.
— Oui… Mais ce sont des histoires… et je ne crois pas aux miracles.
— Pierre, ne parle pas comme cela, je t’en prie. Moi j’y crois ! dit la mère. Veux-tu m’accorder quelque chose ?
— Quoi donc ?
Rappelle-toi, peu avant de tomber malade, Jean nous demandait d’aller à Lourdes avec l’Abbé, aux grandes vacances. Tu étais d’accord. Pourquoi n’irions-nous pas tous les trois maintenant ?
— Tu crois qu’il va guérir ? Non, c’est impossible… Il est perdu
— Raison de plus pour réaliser le dernier désir de notre enfant, il sera si heureux !
— Puisque tu y tiens, soit. Je demanderai un congé à mon patron et nous irons.
Huit jours plus tard, une ambulance prenait Jean chez lui pour le conduire à la gare… Cependant, il allait de plus en plus mal et le docteur n’assurait pas qu’il supporterait le voyage ! On l’installa dans un compartiment spécial et le train s’ébranla… Les sentiments des voyageurs étaient bien différents… Jean et sa maman partaient avec une immense espérance tandis que le papa ne savait que penser. Après de longues heures de chemin de fer, le convoi arrive enfin à Lourdes. Jean est à toute extrémité… Humainement parlant sa mort est imminente. Vu son état, il reçoit les derniers sacrements avant d’être conduit à l’esplanade où va se dérouler la procession du Saint-Sacrement.
Bientôt la Procession s’avance… Un Cardinal tient l’ostensoir au-dessus de sa tête. Tandis que Jésus-Hostie approche de l’endroit où Jean est étendu, celui-ci murmure doucement et à plusieurs reprises : « Jésus, Fils de Marie, rends-moi la santé ! » Mais Jésus passe… et le miracle attendu ne se produit pas. Alors, Jean, rassemblant le peu de forces qui lui reste, se soulève péniblement sur son coude et crie : « Jésus, Fils de Marie, tu ne m’as pas guéri ! Je le dirai à ta Mère ! » Épuisé par ce suprême effort, l’enfant retombe sur son brancard…
Ému d’une telle détresse et d’une si grande foi, le Cardinal, qui a tout entendu, revient vers le petit moribond et, une seconde fois, lui donne la bénédiction. Alors, quelque chose d’extraordinaire se passe… De nouvelles forces envahissent les membres du jeune malade… il se sent guéri ! D’un geste brusque, il rejette ses couvertures et se lève, vacillant mais rayonnant ! Et avec joie cette fois il s’écrie tourné vers l’ostensoir « Jésus, Fils de Marie, tu m’as guéri… Merci ! Je le dirai à ta Mère pour qu’elle m’aide à te remercier ! »
Ce jour-là ce ne fut pas un miracle mais deux qui se produisirent sur l’Esplanade de Lourdes. Le père de Jean, bouleversé devant une telle merveille, tombait à genoux et éclatait en sanglots… Son âme était guérie !