La nuit était froide et le ciel d’Orient éclatait en myriades d’étoiles plus belles les unes que les autres. Balthazar, Gaspard et Melchior étaient sortis sur la terrasse de leur palais, et ils ne se lassaient pas de contempler le firmament.
Cette nuit-là, les Rois Mages savaient qu’un astre nouveau devait apparaître, différents de tous les autres… Un signe céleste, qui annoncerait la naissance du Sauveur promis à tous les hommes.
Or, voici qu’il apparut sous leurs yeux, sortant de l’infinie profondeur des cieux. Il ressemblait à une flamme immense d’où jaillissaient des milliers de lumières de toutes les couleurs. Les Mages restaient là, émerveillés, n’osant parler en présence du signe de Dieu.
C’est alors que le jeune frère de Balthazar, Artaban, les rejoignit et rompit le silence :
– C’est le signe annoncé, c’est la promesse qui se réalise. Vite, il faut partir !
Balthazar, Gaspard et Melchior se préparèrent en toute hâte et, bientôt, une magnifique caravane de chameaux, de dromadaires et de chevaux prit le chemin des montagnes et du désert d’Arabie.
Les Rois Mages ne quittaient pas des yeux le signe qui les précédait et leur indiquait la route à suivre.
Chacun d’eux avait emporté pour le nouveau-né des cadeaux dignes d’un roi : Balthazar portait un coffret d’or fin, Gaspard un précieux vase d’encens et Melchior un riche flacon de myrrhe.
Ils avaient déjà fait une demi-journée de marche lorsque le jeune Artaban s’aperçut que, dans
sa précipitation, il avait oublié ses présents.
– Continuez sans moi, dit-il, je retourne au palais et je vous rejoindrai plus tard, avec mes serviteurs.
Et c’est ainsi que Balthazar, Gaspard et Melchior suivirent l’étoile mystérieuse jusqu’au lieu où se trouvait le petit Roi du ciel. Les trois Mages se prosternèrent devant l’Enfant pour l’adorer et déposèrent à ses pieds l’or, l’encens et la myrrhe.
Pendant ce temps, Artaban avait pris beaucoup de retard. Lorsqu’il fut enfin prêt à partir avec deux compagnons, les premières lueurs de l’aube frémissaient à l’horizon.
Levant les yeux, Artaban ne vit plus le signe céleste mais, confiant, il se mit en route vers les montagnes escarpées.
Quand le soleil parvint à son zénith, les voyageurs avaient déjà derrière eux plusieurs heures de route. C’est alors qu’ils aperçurent un homme allongé dans la poussière, un pèlerin épuisé par une longue marche, malade et fiévreux.
– Je vais arriver en retard si je m’occupe de lui, pensa Artaban, mais je ne peux le laisser ainsi !
Avec l’aide de ses compagnons, il lui donna à boire, mit de l’huile sur ses plaies, versa de l’eau fraîche sur son front.
Puis, installant le voyageur sur sa propre monture, il le transporta avec mille précautions jusqu’à la ville la plus proche et demanda à l’aubergiste de le soigner jusqu’à ce qu’il soit guéri.
Pour le payer, il lui offrit un splendide saphir, que l’aubergiste reçut avec une joie non dissimulée.
Alors, Artaban se rendit compte qu’il venait de donner le premier des cadeaux destinés à l’Enfant-Sauveur…
Un peu triste, il continua son chemin, qui lui parut long, beaucoup trop long. Ce n’est qu’après de nombreux jours de marche qu’il arriva à Bethléem, où devait naître le petit Roi du ciel.
Hélas, Artaban arrivait trop tard ! Il apprit que les parents et l’Enfant venaient de fuir en Egypte pour protéger le petit de la colère du roi Hérode.
Car, pour être sûr qu’aucun autre roi ne prendrait sa place, cet homme cruel avait décidé de faire assassiner tous les petits enfants de Bethléem qui avaient moins de deux ans.
La ville était quadrillée par les soldats à cheval pendant que d’autres exécutaient leur horrible besogne.
Alors qu’il s’apprêtait à passer la porte de la ville, Artaban vit une jeune femme qui fuyait en pleurant, serrant son bébé dans ses bras. Un soldat à cheval la poursuivait, l’épée déjà tirée du fourreau.
Alors Artaban s’interposa, prit la mère et l’enfant sous sa protection et demanda au soldat d’Hérode de les épargner, en échange d’un magnifique rubis.
Le soldat n’en revenait pas, il allait être riche ! Après tout, il était mieux payé pour laisser ce bébé en vie que pour l’assassiner… Il accepta le marché et fit demi-tour.
Le jeune Roi Mage resta quelque temps à Bethléem en compagnie de bergers qui gardaient leurs troupeaux dans les montagnes environnantes. Les bergers l’avaient accueilli avec beaucoup de joie et lui avaient montré l’étable où l’Enfant était venu au monde. Puis Artaban se remit en route. Il décida de gagner l’Egypte pour tenter de trouver le Sauveur, afin de lui offrir le dernier présent qui lui restait, une perle d’Orient très rare.
Mais les jours passaient, les semaines et les mois défilaient et Artaban errait toujours.
Après avoir passé plusieurs années en Egypte, il reprit le chemin de la Palestine, pensant que peut-être le roi tant cherché était revenu dans son pays.
Malheureusement, pour entreprendre ce nouveau voyage, il dut vendre sa perle précieuse. Arrivé en terre de Palestine, voici qu’il entendit parler d’un grand prophète qui parcourait le pays et enseignait les foules. Certains l’appelaient « Maître », d’autres « Rabbi » ou encore « Seigneur ».
Artaban voulait connaître cet homme. Il se rendit sur la montagne où se rassemblaient tous ceux qui écoutaient son enseignement.
Dès qu’il le vit, Artaban sentit les larmes couler sur ses joues. Jamais encore, il n’avait entendu de telles paroles.
Le Maître disait :
– Celui qui aura tout quitté, maison, famille, richesses, pour me suivre, celui-là aura en récompense un trésor dans le ciel et la vie éternelle.
Il disait aussi ;
– Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait !
La nuit qui suivit, Artaban fit un rêve qui le remplit de joie et d’espérance : il vit le Maître venir vers lui accompagné de Balthazar, de Gaspard et de Melchior, le premier portant un coffret d’or fin, le second un précieux vase d’encens et le troisième un riche flacon de myrrhe.
Alors, s’approchant d’Artaban, il le remercia des présents qu’il avait voulu lui offrir le jour de sa naissance.
Et, en disant cela, il ouvrit ses mains et montra au quatrième Roi Mage un saphir d’un bleu très pur, un rubis d’un rouge éclatant et une perle d’Orient très rare…
(Ángel Félix Iglesias)